Valérie Faure Carré d'art Nîmes 27 mai- 20 sept 2009

Publié le par christophe Dépée

                 Monter tout en haut , le long des escaliers de verre ,  pour emprisonner la lumière sur chaque marche et te la rendre intacte mais supportable aux yeux , aux rétines , aux lentilles de contact , aux lunette de près et de loin . Monter tout en haut au long de peintures grises et blanches , affalées , plaquées , tendues sur le haut du mur , tout en haut , pour ne pas  les prendre , les déchirer mais les atteindre du seul regard et rester là , un instant , sur le palier, au pied de  ces griffures , ces coulées de part et d’autre , grises , blanches , noires , enlacées , tourbillonnées ,  impulsives . Entrer dans cette danse là , pousser la porte , doucement , avec un petit bruit , un petit clac , comme un vrombissement , une marche levée , un regard qui se déporte , consent au dehors . La lumière se tient coi , restent les peintures , la peinture , pas si immobile que ça , vrombissante , vibrionnante , au-delà de ce carré d’art qui tient bon sur le toit , tout en haut , au plus près de la chaleur , des rayons de soleil les plus cinglants , les plus illuminants . Là , au milieu , une estrade et quelques papiers  , photocopies , noires et blanches elles aussi , Antonin  Artaud et quelques autres , ça commence bien , on peut prendre les papiers puis les jeter , tenir en mains le double de ces livres admirés , qui barrent la route initiale , déportent au loin , très au loin , jusqu’au corps sans organe , aux détours et débords immenses , ouverts et multiples , fouraillés , découverts et palpés , tenus en main  , sortes  d’ouvertures magnifiques sur des mondes qui ne se connaissent pas , s’entretiennent entre eux , je veux dire parlent et disent sans effort . Au mur , deux lapins , lapines , qui poussent leurs gestes , leur équilibre , jouets de pacotilles , rêves insensés , le tout mélangé , inutile , imprévu.   Partir au-delà , franchir encore une porte ,sur la droite , encore un travers et se retrouver seul , la solitude va tenir bon ici , tu vas voir , viens avec personne , que toi , tu vas parcourir des planètes , des zones immenses , des rêves insensés et qui pourtant te tarabustent encore , te prennent au plus profond de toi et  te poussent en avant , du bon côté . Au mur , une multitude de bagnoles , en bribes ,en bouts ,  qui ne racontent rien , sur de tous petits tableaux accolées les uns aux autres : ici ne pas lire , ne pas transcrire , ne pas recopier mais sauter d’un signe à l’autre , d’un tableau à l’autre , un petit bout de carrosserie par ci , un petit bout de phare par là , et suivre ce chemin ,cette route  de côté , qui ne dit mot , part dans tous les sens , sans appuyer sur l’accélérateur ni le frein  , sans faire dévier quoi que ce soit , juste des bribes  comme tu dirais , toi , des bribes de mots . Ici ce ne sont que des bribes de bagnoles , qui ne disent rien du tout , juste une couleur , une taille , un relief , un bout de quelque chose qui dépasse , prend corps et se place là . Pas un puzzle , pas une lecture à prendre d’un bout à l’autre ou à revers , non aller là en va et vient , venir et revenir et sentir l’espace qui se tend , se montre , s’aplatit ,se figure et prend  sa mesure , sans rythme , sans conscience , juste un petit bout par ci par là et toi qui glisse à côté , le long du mur , de la cimaise blanche . Si tu te retournes , tu vois un grand carré , un cube , un cube dans le cube , au-dedans les mêmes petits formats , tout petits , des images de suicide dessus dit-elle , et pourtant ne pas savoir si c’est du lard ou du cochon , en tous cas pas la mort , surtout pas donnée à soi , plutôt comme un rire léger ,succinct , bref , les révolvers ne sont pas chargés , les nœuds ne coulent pas et pourtant  un geste de la main ,celui qui efface les rides , les diverticules , les excroissances et les taches de trop , les lignes inquisitoriales , les lignes qui arrêtent et tuent ,elles , pour de  bon . Un petit carré qui soit une sorte de havre de paix , de repos , un petit carré en cube qui accueille , place sur les murs des images de rien retenu , de gestes tendres , histoire de rayer les raies , les efforts consentis et inutiles , les coups de théâtre qui arrachent l’essentiel . Puis sortir et aller dans la salle d’après , sans porte , juste un passage  ouvert , un trou dans le mur et voir ces taches immense , magnifiques , ces coulures de couleur rouge , bleue ou verte , ces éclats qui les brisent , ces rayonnements qui partent de trous noirs , ces immensités qui se déploient , partent le long de la toile  . Tu vois ,dans la salle d’avant tu glissais devant le mur ,                              

ici tu restes devant , pas pétrifié ou retenu , non tu t’immerges dans ces couleurs vives ,  juste des trous et des tunnels qui partent au-delà , vers un gouffre noir qui ne t’emporte pas , ne te noie pas ,mais laisse la couleur s’étaler tout autour , un point de fuite qui soit départ , retour et arrivée à la fois , un point noir qui montre tout , ne tient pas sur toi , ne s’agrippe pas  mais montre , présente , apporte tout le tour . Et puis , sur la toile , ces ondulations qui passent

 

                                                 

 

                                       Ballas and tunnel  Valérie Faure

 

,traversent l’espace , se brisent d’un bord à l’autre et reviennent , en silence , immobiles et pourtant vagabondes , immobiles et pourtant aériennes , légères , libres . Restes là devant et laisses aller ton regard sur ces contours , ces coulures , ces éclats de couleur qui triomphe , la lumière se laisse glisser sur les tableaux et en prend plein la gueule elle aussi , la lumière effleure les couleurs sans les changer , sans les briser , elle ne pénètre pas dedans , reste un peu à l’écart , comme toi , pour tout prendre en pleine tête , fête des yeux , des va et vient , des bouillonnements intrépides . Restes là un peu , il vaut le coup , le coup de sentir monter la puissance , le remous , la distance qui nous tient séparés et donc unis , tendus , sans perte , sans renoncement d’aucune sorte . Puis passes ton chemin et vas dans la salle numéro cinq  , là encore pas de porte , juste un passage , un frémissement et là tu entres dans l’espace de Peter Pan , des frères Grimm , des contes aménagés , modifiés par ton expérience , ta mémoire , ce qui te fait , Peter Pan est  assis , il reste  , prend sa flûte et chante , il reste immobile , joue de son pipo sans un bruit et la plaine se couvre de bleu , de lavande vue la nuit , après le plein jour , pour redonner ce qu’elle a reçu , cette lumière magnifique qui borde et révèle , inonde tant qu’elle déborde , rend plausible , visible , l’invisible . C’est cet invisible là qui vient dans cette toile , un invisible visible , maintenant , sur cet étage , tout en haut ,sur le mur blanc , un invisible qui tient la route , debout très grand , Peter Pan se tient contre un poteau , repose sa

 carcasse et chante encore , immobile , serein .

 

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                                                      Peter Pan       Valérie Faure

                                                   

Ne cherches pas les contours , l’histoire vraie , laisses toi tenir dans ces quatre bouts de bois , ceux qui tendent cette toile , laisses toi venir là dedans , tu y étais depuis longtemps , et maintiens ce paysage , ce pays s’ouvre , enfin ,celui de Peter Pan , de ta tenue immobile , sereine  . Tu verras  à côté le troisième frère Grimm , un cheval vert à ses côtés , tout allongé , un rêve devenu merveille , un vibré qui vibre , frémit   tout au long de la toile , pas seulement sur ses bords mais aussi au dedans ,la vibration qui te prenait , enfant quand tu écoutais ces contes sans y croire , sans rien y comprendre , sans rien admettre , parce que ce monde là n’était le tien . Le voilà , maintenant , au devant , ne t’approches pas , restes au loin , les rêves ne se prennent pas en main ni dans la tête , ils se prennent sur ce tableau , le troisième frère Grimm c’est toi , toutes ces images que tu as inventées , formées sur ce cheval évanescent , et qui monte au ciel . Restes là  , tu viens de voir les couleurs jaillir , tu les vois maintenant parler , se tenir au devant de toi , ne bouges pas , ne risques rien pas un geste , pas un mot , restes et tiens toi dans la toile , elle ne te donnera rien , elle te montre tes rêves , un de tes inconscients  , celui que tu partages , révèles en cette après midi   , il est là et bien là   , il tient devant et en toi à la fois , tu es devant  lui  comme dabs un rêve , une atteinte abolie , une disparition qui laisse une petite trace de fumée , celle de ce cheval qui s’incorpore dan la toile puis s’en va , se dissipe par le haut . Places toi au centre de cette pièce , de cette salle , tu caracoles d‘une toile à l’autre  , ta tête chante , tes rêves s’ouvrent , n’oublies pas de les refermer , tu vas voir , il ne faut pas laisser cette porte là ouverte ni personne d’autre entrer dans tes rêves , juste les tenir comme ça , sur une toile , un coup de pinceau . Passes ton chemin et ne dit rien , personne ne se comprend , on se sent c’est tout , pas de mots par ici , juste des couleurs , des teintes , des passages , des coups de rêves qui réveillent , recueillent ta trace , ton passage . Alors sors , et sans bruit tu pousses une porte ,  tu pénètres ailleurs , sur un ponton , un  travers , tu traverses l’escalier de haut , de tout en haut, tu ouvres un autre porte et te voilà plongé dans les dessins , un cœur en tient un autre , un cœur se pose dans une vitrine et tend son fil rouge , il n’a que ça , et encore , un fil qu’il prend sur lui et tend au dehors , il rencontre l’objet , le gant blanc d’à côté , main tendue , doigts ouverts  , geste immobile , parce qu’en vrai , un cœur se donne en entier , ici un  petit bout , tout petit , un fil rouge , de celui qui le fait et rencontre la main ouverte , crois tu que des choses pareilles existent en vrai , pour de vrai ?  Peut-être , en tous cas elles existent ici , un cœur qui se tend pour l’autre , une main qui s’ouvre pour recueillir et ce fil de laine qui les unit , du cœur à la main , une main qui prend le cœur sans l’atteindre , le réduire à néant , le battre come on bat une monnaie , en frappant dessus . La main , le cœur , à l’abri dans un vitrine , quelques cahiers posés au dessus , des signes de géométries , des équations  pour cerner , comprendre , tenir l’espace , un triangle , ses limites , ses pointes , ses coins qui tiennent ensemble , se rassemblent sur ces signes à part égale , un côté puis l’autre , une trace puis l’autre . Et des dessins , au crayon de papier , sur des cahiers ou des carnets , des dessins qui tiennent sur eux un temps qui file au loin , au-dessus et pourtant que tu sais bien , un petit espace qui serait une ligne de crête , mais juste au dessus de la ligne de crête , pas au sol mais au dessus , comme la brume que tu vois le soir en haut des montagnes , au soleil couchant ou levant . Dans ces dessin , juste peu de brise , de vent , un peu de d‘effluve , de mouvement presque impalpable , parcouru du regard puis disparu , le soleil se couche et se lève vite , la brume disparait , c’est sur ces instants là que se tiennent ces petits dessins , immobiles , tenus à la réserve , à l’absolu . Puis tu passes dans la salle suivante , un gigantesque meuble au centre , un hommage à Sarah Kane , le meuble se retient , se tient sur lui même , ne pas ouvrir les tiroirs , les poignées , nul ne pénètre là dedans , se tenir devant , vouloir donner un geste et pourtant sentir que tout revient , repart , inutile , fermé , opaque , infranchissable . Il suffit de peu et pourtant pas possible , alors aller au-delà et passer dans la pièce d’a côté , vision de cauchemars , de rêves atroces , des corps dilapidés , dépecés , de monstres ventres ouverts , morts , animaux de Kafka tombés sur le dos , impassibles , signifiants , terrorisants . Là ne pas rester , ouvrir une porte ,encore , et se retrouver à nouveau au début , là où tout commence , se révèle .

     Cette exposition , ce parcours emmène le long de cimaises qui ne s’oublient pas ,on ne s’oublie pas soi , ici on se tient le long , au milieu , au bord mais toujours avec soi , bienfait de se retenir  , au bord de l’autre , de sentir sa présence , sa venue et son discours de couleurs , rêves et cauchemars , bonheur de connaitre un espace qui délie , raconte , rapporte .

 

 

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